Voici un autre des 14 groupes avec lesquels j'ai travaillé pendant ma résidence d'écrivain-carnettiste de 4 mois à temps plein (1 mois d'appropriation du territoire et 3 mois pour réaliser des carnets de voyage) à Colombes (92), dans le cadre d'un CLEA (Contrat Local d'Education Artistique).
Il s'agit du douzième groupe: des femmes en classe d'alphabétisation, plus exactement en atelier socio-linguistique.
Elles sont parfois une petite dizaine, un peu intimidées, parfois presque une vingtaine, serrées autour d'une table trop petite. Avec elles, broder sa vie devient un véritable défi: dessiner, peindre, écrire, se raconter... C'est parfois douloureux, parfois difficile, souvent intime. Entre éclats de rire, soucis du quotidien, séances manquées en raison de rendez-vous administratifs et complicités féminines, les carnets se tissent et se remplissent. L'assurance vient petit à petit, grâce à un portrait brossé à la façon de Marcel Proust. Puis, à l'aide d'un voyage autour de la main, les femmes transmettent à leur tour l'art du carnet de voyage.
Ma main sert à faire la cuisine.
Ma main sert à écrire.
Depuis ce matin, mes mains m’ont lavée, habillée, maquillée. Elles ont aussi préparé le café et fait un peu de ménage.
Avec ma main, je sens la température de ce que je touche : ma tasse de café chaud ou un verre de jus d’orange frais.
Ce que je fais avec mes mains me fait plaisir. Avec mes mains, je me coiffe et je mets mon voile.
Mes mains sont les mains d’une artiste qui dessine.
Avec mes mains, j’ai plaisir à porter mon petit-fils et à lui donner le biberon.
Je ne peux rien faire sans mes mains.
Les jours de fête, je mets du henné sur mes mains pour me faire belle.
Ma main sert à aider les personnes âgées.
« Si j’étais une couleur, je serais le blanc parce que cela évoque la lumière, l’espace et la propreté.
Si j’étais une couleur, je serais le noir parce que cela évoque la sincérité et la droiture.
Si j’étais un plat, je serais un tajine de poulet aux olives pour sa saveur.
Si j’étais un plat, je serais des feuilles de vigne farcies parce que c’est un plat qu’on aime partager.
Si j’étais un fruit, je serais une figue parce que c’est élégant. Si j’étais un fruit, je serais une framboise parce que c’est délicat et fragile.
Si j’étais une région, je serais la Côte d’Azur parce que c’est vivant.
Si j’étais un pays, je serais l’Algérie parce que c’est mon pays, ce sont mes racines.
Si j’étais une ville, je serais Colombes parce que c’est une ville agréable à vivre.
Si j’étais un animal, je serais un perroquet parce qu’il parle et répète.
Si j’étais un animal, je serais un pigeon voyageur pour apporter des messages.
Si j’étais une saison, je serais le printemps parce que c’est la saison de la floraison et de la douceur.
Si j’étais une saison, je serais l’hiver parce que la nature se prépare au printemps.»
A la fin de notre atelier, nous avons organisé une après-midi rencontre au Centre socioculturel du Petit Colombes pour expliquer la pratique du carnet de voyage à d'autres femmes. Ce fut un grand moment d'échanges et de convivialité. Les femmes de l'atelier ont vraiment pris les choses en main, et ce fut une très belle après-midi ensoleillée.
A bientôt pour un autre groupe.
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